Imana au Rwanda : Commentaire de Murayi Habimana Ildephonse au sujet de la lettre du 5 janvier 1930 de Yuhi Musinga à sa fille Musheshambugu (future Gertrude)

Publié le par Nikozitambirwa

Commentaire de Murayi Habimana Ildephonse au sujet de la lettre du 5 janvier 1930 de Yuhi Musinga à sa fille Musheshambugu (future Gertrude)
Murayi Habimana Ildephonse Libre-penseur

Essayons de réinventer l'eau chaude.

Dans le débat sur Imana au Rwanda qui, en 1930, a mené à une collision frontale entre Yuhi Musinga et sa fille Gertrude Musheshambugu, je, Ildephonse Murayi Habimana, ai déjà eu une collision frontale, en 2002, avec un Rwandais d'origine belge qui se fait appeler Senyanzobe Wirira Wihogora. Celui-ci se présentait comme libre-penseur et prenait, en 2002, la défense de Yuhi Musinga au moment où moi-même, usant de ma libre-pensée, prenais et prends toujours la défense de sa fille, Gertrude Musheshambugu, qui a été bannie par son père pour la seule raison d'avoir choisi la foi catholique. Un anti-catholique primaire ne peut pas se revendiquer de la libre-pensée. Confondre la libre-pensée et l'anti-catholicisme est une erreur.

On peut être anti-catholique sans être libre-penseur (exemple : 1. les Témoins de Jehovah qui sont anti-catholiques sans être libre-penseurs; 2) Monsieur Senyanzobe Wirira Wihogora).
 
Dans la lettre du 5 janvier 1930 que Yuhi Musinga a adressée à sa fille Musheshambugu (future Gertrude), on peut aisément remarquer que le concept Imana au Rwanda ne faisait pas seulement référence au Dieu d'en haut (comme l'appelle Yuhi Musinga), mais aussi au Dieu d'en bas (c'est-à-dire Musinga lui-même).
 
La suite fut dramatique pour Yuhi Musinga : il a tout simplement été destitué.
 
Voici la lettre de Yuhi Musinga du 5 janvier 1930.
 
Lettre de Yuhi Musinga à sa fille Musheshambugu (future Gertrude)[1] 

Musheshambugu, fille cadette de Yuhi Musinga que celui-ci avait donnée en mariage à Rwagataraka (Chef du Kinyaga) informe son père de son intention de se faire baptiser chez les Catholiques. La réponse de Yuhi Musinga ne s'est pas fait attendre. Elle se concrétisa dans une lettre restée célèbre dans laquelle Yuhi Musinga exprime toute son amertume. 

« Nyanza, 5 janvier 1930, 

« Ma très chère fille Musheshambugu,

« Tu m'as fait dire que ton mari voulait se faire chrétien et que, toi aussi, tu le voulais, pour la raison que tu es sa femme. On m'avait dit que Rwagataraka nous haïssait ; c'est donc bien réel, il nous haît. Le motif qui me pousse à te dire cela, c'est qu'il va te faire accomplir un acte tabou - umuziro, - pour lequel tu encourras à jamais ma réprobation. J'ai maudit quiconque parmi mes enfants se fera chrétien. Si l'un d'eux le devient, puisse-t-il être privé de tout avoir ! qu'il soit impuissant ! et si c'est une fille, fasse le Ciel qu'elle n'enfante jamais ! qu'il soit abhorré par le mwami d'en bas — Musinga lui-même - et par le mwami d'en haut - Nkuba, le Tonnerre ! Qu'il ne trouve de laitage ni chez le serf, le muhutu, ni chez le seigneur, le mututsi ! Qu'il soit maudit par tout homme qui sait maudire !

« Ne crois pas que je te joue comme fait ton mari. Si tu t'instruis du christianisme pour faire plaisir à ton mari, plus jamais je ne t'aimerai, je te le jure. Que j'aie tué Rwabugiri, mon père, si ce que je te dis n'est pas vrai ! Tout le mal possible je te le souhaiterai en haine ; je te le dis pour te retenir. Je te haïrai comme le poison qui a tué mon frère aîné, Munana ; je te haïrai comme la méningite cérébro-spinale qui a tué mes enfants Munonozi et Rudatshyahwa.

« Débouche tes oreilles et écoute bien. Choisis entre m'aimer, aimer ta vie, et aimer Rwagataraka. Je te le jure, si tu deviens chrétienne, plus jamais nous ne nous reverrons. Dis-moi bien ce que tu penses. Dis-moi nettement ce que tu as dans le cœur. Sache que si ta plume cherche à m'en imposer, je le saurai bien par mes gens. Mushéshambugu, dis-moi la vérité. C'est le jour ou jamais de montrer si tu es mon enfant ou si tu ne l'es pas.

« Et puis, si tu te fais instruire quand même, tu peux, à ton gré, me mettre mal avec les Bapadri. Cela m'est égal.

 J'ai terminé.

« C'est moi ton père, le mwami du Ruanda.

Yuhi Musinga (Seing et sceau.)

À cette épître véhémente, où perce une douleur qui n'est pas feinte, rédigée par le scribe Rugengamanzi, Musheshambugu, la future Gertrude, répondit avec cal­me et fermeté :

« Plus vous me haïrez, plus je vous aimerai. Quant à choisir entre vous et mon Créateur, qui est aussi le vôtre, mon Créateur d'abord ! »  

Ildephonse Murayi Habimana
19.03.2021
 

[1] Lettre dictée par le Mwami Musinga à son scribe Rugengamanzi. Traduite en français par le Chanoine Louis de Lacger du clergé d'Albi, et publiée dans son ouvrage "Ruanda", deuxième partie: le Ruanda moderne, Grands Lacs, Namur, 1939, IMPRIMATUR: Léon Classe, Vic. Apost., Kabgayi, 17 Apr. 1939, pp. 188-189.

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